Vous ne connaîtrez ni le jour ni l'heure

Pierre Béguin

Philippe Rey

  • Conseillé par
    2 juillet 2013

    Un homme et une femme vont mourir. Le narrateur, leur fils, passe la dernière nuit avec eux la veille de l'euthanasie. Ses parent sont gravement malades, son père refuse de payer pour végéter dans une maison de retraite car son éducation, son rapport au l'argent lui fait dire que ce serait du gaspillage. Et ils veulent mourir dignement. C'est lui qui en a parlé en premier, son épouse commence à perdre la tête. Partir dignement après une vie simple menée sur des principes.

    Durant cette ultime dernière nuit, le narrateur revient non seulement sur le choix du suicide assisté en fin de vie (nous sommes en Suisse) mais également sur son enfance et adolescence. Écrire tout ce qui n'a pas été dit : les blessures, les failles, le manque d'amour paternel, sa mère obéissant sans discuter aux choix de son père, avec cet espoir qu'un jour "le dialogue serait rétabli". "
    "Ses parents sont avant tout le produit d'une époque, d'une empreinte sociale et morale qui relègue toute dimension psychologique à l'arrière-plan". Pas de communication et le mot phare "travailler" a été le leitmotiv de son père. Le fils a enfreint cette règle en entamant des études supérieures sans aucune reconnaissance de son père.
    "Il y a entre eux une telle somme de non-dits, de malentendus, de rancœurs, d'incompréhension". Et dans ces dernières heures qui vont le séparer définitivement de ses parents, il mène une réflexion sur l'euthanasie. Complice désigné de cette mort, il s'interroge. Sa mère a-t-elle prise sa décision en toute liberté ou obéi à son mari ?
    Ses parents ne sont plus et d'autre questions le hantent sur ce droit à mourir, sur la liberté de vivre, sur ce qu'il est désormais.
    Ce roman a été un coup de poing. Comme je le disais, il y a quelques jours, l'enfance et l'adolescence du narrateur sont des calques des miennes. A travers la figure du père et de ses principes, j'ai retrouvé le mien. Et vous vous doutez bien que ce livre m'a plus que touchée.
    Les questions sur l'euthanasie et le libre-arbitre abordées interpellent, font réfléchir. Un livre digne, sans pathos, douloureux et qui ne peut pas laisser indifférent...


  • Conseillé par
    21 mars 2013

    Ni le jour, ni l'heure? Pas si sûr...

    L'injonction " vous ne connaîtrez ni le jour ni l'heure " n'est plus parole d’Évangile depuis plusieurs année déjà en Suisse, où le droit de mourir dans la dignité permet, dans certaines circonstances, le suicide assisté. Après avoir été la terre d'asile des riches qui ne voulaient pas se ruiner en impôts, la Suisse devient le pays du repos éternel, qui accueille les personnes âgées refusant de terminer leur existence dans d'insupportables souffrances. C'est réconfortant pour les malades, mais a-t-on pensé à ceux qui restent? Que ressent-on le jour où vos deux parents vous annoncent qu'ils ont décidé de mourir ensemble et que justement, ils vous communiquent le jour et l'heure de leur dernier souffle? Même si cette décision le peine, le révolte aussi un peu, le narrateur de Pierre Béguin a décidé de la respecter. Il a même accepté de passer cette dernière nuit avec ses parents. Mais que leur dire? Qu'exprimer dans cette famille où l'on n'a jamais parlé? Et si le père est fermement décidé à passer la porte de l'au-delà, la mère semble plus réticente, plus résistante. Elle a ses fils, ses petites-filles, peut-être encore quelques miettes de bonheur à grappiller  Mais elle ne veut pas laisser son mari s'en aller seul, pas plus que lui ne veut l'abandonner, persuadé qu'elle ne s'en sortira pas sans lui. Dans ce très beau texte, un roman que l'on devine autobiographique, Pierre Béguin réussit à réunir le très intime, le problème de société et la littérature.

    Pierre Béguin collabore à  o n  l  a  l u

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