Fragments d'une déposition

D’une encre à l’autre — écriture et peinture — ce livre tente de faire coïncider le mouvement de la couleur et celui des mots. Procédant par vagues successives, ces textes, comme les oeuvres sur lesquelles ils s’appuient (celles de Claire Chesnier mais aussi de Chardin, Monet, Fra Angelico, Reinhardt, Matisse, Shitao, Rothko…), trouvent leur densité en s’approchant au plus près de l’expérience sensible d’une relation à la peinture et au monde. C’est une histoire d’eau, une histoire d’encre. Une affaire de toucher — comment toucher et être touché lorsque l’on peint, lorsqu’on écrit ce qui se touche dans l’étendue de la couleur. Ce livre est un mouvement d’approche, intime, vers la peinture qui arrive justement là où les mots manquent. Écrire, en embrassant le mouvement de peindre, permet d’avancer vers l’œuvre aussi loin que possible, jusqu’à éprouver le point de butée qui est peut-être le lieu même d’apparition de la peinture. La déposition suggérée par le titre relève du corps de la peinture, du regard, du geste à l’œuvre. Mais c’est aussi une potentialité de l’écriture : décrire les états de la matière et des gestes qui fondent une peinture au risque de la boue, située au seuil d’un effondrement de la lumière sous les masses terreuses et aqueuses de pigments. Claire Chesnier nous fait éprouver ce qu’implique — pour la pensée, le regard et la main — le fait de s’approcher d’une oeuvre par les mots.